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Traduction française de l’article paru en anglais dans la revue « Integral
Transpersonal Journal, juin 2014 » ( Itj 5)
La Communication Profonde Accompagnée :
Une approche transpersonnelle
MARTINE GARCIN-FRADET, M.D.
M.D. de linguistique appliquée, psychothérapeute transpersonnelle certifiée par EUROTAS,
formatrice d’accompagnateurs en communication profonde, Martine Garcin-Fradet anime
également des constellations systémiques. Elle est aussi membre certifiée du DGfS
(Deutsche Gesellschaft für Systemaufstellung).
Mme Garcin-Fradet a créé et développé la Communication Profonde Accompagnée à partir
de son propre chemin de vie. Plusieurs années passées à l’étranger, dont dix ans au Japon,
lui ont permis d’élargir toujours plus son système de croyance au bénéfice d’une vision de
l’être humain, qui intègre diverses représentations du monde et de la vie. Sa rencontre avec
Pierre Weil fut déterminante et a largement participé à son engagement au service de la
dimension transpersonnelle de l’accompagnement thérapeutique.
Publications : « Quand la main devient messagère du cœur », éditions Quintessence, « Et si
nos ancêtres parlaient à travers nous », éditions Quintessence, « Les Voix de la main, faire de
ses blessures le levier de sa réalisation », éditions Dervy,
RESUME
Cet article présente la « Communication Profonde Accompagnée », en tant qu’approche
transpersonnelle. Il s’agit d’une méthode thérapeutique qui révèle une dimension de la
conscience habituellement inexplorée. En accompagnant les mouvements de son partenaire
au-dessus d’un clavier d’ordinateur, le facilitateur permet à la personne accompagnée
d’exprimer un contenu inconscient. L’objectif est de permettre qu’un processus d’unification
de la personne soit initié. La conscience s’élargit alors dans la reconnaissance et l’intégration
de tous les aspects de la personne et les opposés se réconcilient au sein même de la psyché.
Cette approche transpersonnelle est axée sur le plan de conscience du cœur dans la lignée
de ce qui fut initié par Françoise Dolto d’une part et C.G.Jung d’autre part.
La Communication Profonde Accompagnée met la personne en lien avec le « Soi » et
contribue au développement des potentiels humains en chacun.
Les textes qui émergent dans l’accompagnement des personnes privées de l’usage de la
parole montrent que ceux-ci sont sensibles au vécu d’autrui et ressentent ce qui est
expérimenté au-delà des limites de leur propre individualité au sein d’un champ
transpersonnel. La thèse de John Eccles, neurologue et prix Nobel de médecine, suggère
l’hypothèse suivante, qui pourrait expliqué le processus de la Communication Profonde
Accompagnée : « Le cerveau du facilitateur, en tant que « décodeur » se met pendant la
séance au service de la conscience de la personne accompagnée ».
L’écoute est un aspect essentiel de la Communication Profonde Accompagnée. Grâce à
l’écoute et au texte qui émerge, la personne est mise en lien avec son être profond.
MOTS CLEFS
Communication transpersonnelle, plan de conscience du cœur, lien, communication
profonde, partenaire silencieux, témoin, Soi, Unité. 2
Introduction
La Communication Profonde Accompagnée (CPA) est une technique d’accompagnement
pleine de promesses et encore peu connue qui peut participer au déploiement des
potentiels humains. Cette approche, utilisée dans le cadre de l’accompagnement
thérapeutique, a révélé une dimension de la conscience qui est habituellement inexplorée.
Le processus peut être résumé en quelques mots : par l’accompagnement de la main au
dessus d’un clavier d’ordinateur émerge l’expression d’une part de nous-mêmes à laquelle
nous n’avons habituellement pas accès. En tant que facilitatrice, j’accompagne une
impulsion faible mais tangible venant du bras de la personne que j’accompagne, ce qui
permet l’accès aux touches du clavier d’ordinateur.
C’est une approche axée sur le plan de conscience du cœur dans la lignée de ce qui fut initié
par Françoise Dolto d’une part et C.G.Jung d’autre part.
« Dolto’s psychanalytic approach focuses on language and is based upon the power of
the spoken word. » Walter 2010, p.11
(l’approche psychanalytique de Dolto se concentre sur le langage et elle est basée sur
la puissance du mot)
La communication est un phénomène inhérent à notre humanité et participe à la joie
des êtres humains lorsqu’ils se rencontrent. L’homme est par essence un être
communiquant et dès les premiers temps de l’humanité, une mise en commun du
vécu fut mise en œuvre par des dessins, des gravures rupestres, des gestes, et bien
sûr par la parole. Dès sa naissance, l’être humain est plongé dans un bain
communicant, il ne peut se développer en dehors de ces stimulations. La
communication avec le nouveau-né passe en grande partie par le toucher et le
contact physique.
Etymologiquement communiquer vient du latin communicare, qui veut dire, "unir
avec, partager quelque chose, mettre en commun". La Communication Profonde
Accompagnée associe le verbe au toucher, dans une prise de contact et un soutien
de la main de la personne accompagnée. Cette communication est avant tout un
accueil, une écoute qui permet à chaque accompagné de mieux se structurer et
d’élargir le champ de son expérience. L’objectif de notre travail d’accompagnement
est de permettre l’émergence d’un aspect du passé tel qu’il fut enregistré par la
personne venue consulter, afin que cette personne puisse vivre son présent avec
une conscience accrue. Il s’agit de laisser émerger du passé ce dont la personne a
besoin pour vivre librement l’instant présent en conscience..
Il semble que la Communication Profonde Accompagnée existe depuis la nuit des
temps. Les très jeunes enfants, si réceptifs au vécu de leurs proches, ont la capacité
de capter ce qui émerge du cœur de chacun. Mais la capacité de mettre en mot, de
formuler ce ressenti n’est pas encore disponible chez l’enfant et l’entourage peut ne
pas être informé de ce qui se joue dans l’intimité de la jeune personne concernée.
La Communication Profonde Accompagnée a été élaborée au sein du champ de la
psychologie transpersonnelle, en associant la Communication Facilitée :
« An assistive communication technique in which the primary message
receiver makes physical contact with the sender to help them overcome motor
or emotional problems. » (Crosley 1994, p.131) 3
(une technique assistée de communication au cours de laquelle le récepteur
crée un contact avec l’émetteur pour l’aider à surmonter ses difficultés
motrices et émotionnelles)
et l’approche des constellations familiales initiée par Bert Hellinger
« for revealing the hidden dynamics in a family so that they can be worked with
and healed » (http://www.familyconstellations.com)
(pour révéler les dynamiques cachées d’un système familial afin qu’elles
puissent être travaillées et guéries)
La première rencontre déterminante pour la création de la Communication Profonde
Accompagnée fut ma rencontre avec Pierre Weil, le pionnier de la psychologie
transpersonnelle en France. Pierre Weil décédé en 2008 fut préoccupé par le thème
de la paix, la paix avec soi-même comme préalable à la paix dans le monde. Docteur
en psychologie et enseignant du « cosmo drame », il a fait une synthèse de la
sagesse orientale et de l’approche scientifique occidentale, synthèse sur laquelle il a
fondé son travail. L’objectif de son enseignement est lié à la paix, en particulier la
paix du cœur (Weil, 1994) L’enseignement de Pierre Weil m’a permis d’unifier les
prises de conscience qui ont jalonné mon existence et d’intégrer la transformation de
mes repères due à un séjour de quinze ans en Asie et en particulier au Japon. Il m’a
aussi permis de comprendre à quel point tout est relié. Le fait d’expérimenter la
connexion qui existe entre les hommes et même entre toutes les formes de vie fut
une bonne préparation à la pratique de la communication profonde. Peu après ma
rencontre avec Pierre Weil, j’ai suivi une formation à la Communication facilitée qui
fut développée en Australie par Rosemary Crossley (Crossley 1994). La
Communication facilitée est utilisée comme moyen alternatif de communication pour
des personnes privées de l’usage de la parole, quel que soit leur handicap.
La pratique et la posture
La personne qui facilite soutient la main de la personne qui écrit. Elle est assise à
côté d’elle et veille à ce que les deux chaises soient bien parallèles afin d’éviter toute
torsion au niveau des épaules. Elle accueille dans sa main droite, la main gauche,
doigts repliés sauf l’index, de la personne venue pour taper. Son index est isolé et
prêt à appuyer sur les touches du clavier d’ordinateur placé devant elles. La
personne qui facilite prend le temps de se centrer et « écoute » la main de son
partenaire, c'est-à-dire qu’elle se met en état de réceptivité pour percevoir toute
amorce de mouvement. Après quelques secondes, une impulsion est perceptible, le
mouvement qu’elle accompagne est ainsi initié. La main de la personne facilitée,
accompagnée par le soutien du facilitant vont sur les touches du clavier et des mots
se forment. L’objectif est de permettre à la personne accompagnée de devenir autant
que possible sujet de sa vie. Dans certains cas, une autonomie au niveau de la
frappe devient possible. La Communication Profonde Accompagnée permet l’accès à
un niveau plus profond accessible à tous.
De la Communication Facilitée à la Communication Profonde Accompagnée
(CPA)
La médecine chinoise considère la paume de la main comme une annexe du centre
énergétique du cœur. La posture spécifique à la pratique de la Communication
Profonde Accompagnée, qui permet un contact entre la paume de la main du
facilitateur et celle de la personne accompagnée, favorise une connexion de cœur à 4
cœur entre les deux partenaires de communication. Dans la mesure où une
expansion de conscience a lieu au cours de la séance, la CPA se rattache au champ
des thérapies transpersonnelles. Cet accompagnement permet une transformation
progressive de la sensation de morcellement causée par le refoulement des
blessures de l’enfance et permet à la personne accompagnée de retrouver en
conscience un sentiment d’unité. Les mémoires douloureuses émergent de
l’inconscient pour s’intégrer dans le conscient qui s’élargit à chaque séance.
L’accompagnement aide à établir un contact avec ce que l’on peut appeler le
« centre de Vérité » de la personne et, à partir de ce centre, celle-ci peut accueillir et
intégrer tous les aspects dissociés de sa personnalité. L’objectif est de favoriser un
processus d’unification tout en permettant que la conscience d’élargisse en incluant
tous les aspects de l’être, réconciliant ainsi les opposés au sein même de la psyché.
Si cette approche permet de telles transformations, c’est en grande partie en raison
de l’alignement du thérapeute sur le plan de conscience du cœur. Les difficultés du
passé sont issues d’un plan de conscience inférieur et comme Einstein l’a souligné
« Problems cannot be solved at the same level of awareness that created
them » (http://www.mountainman.comau/albert e.htlm)
(les problèmes ne peuvent pas être résolus sur le plan de conscience qui les a
créé)
L’accompagnement est un autre aspect essentiel de la Communication Profonde
Accompagnée. Celui-ci a lieu à deux niveaux :
En premier lieu au niveau du geste, puisque l’accompagnement de la main
permet l’accès au clavier de l’ordinateur
Deuxièmement, sur le plan psychologique : La personne qui accompagne est
aussi le témoin bienveillant qui accueille ce qui s’écrit. Elle ouvre l’espace de
sécurité qui avait manqué au moment où les blessures s’étaient inscrites dans
la psyché ; l’objectif est que la personne puisse intégrer progressivement les
aspects refoulés de sa personnalité qui sont enfin reconnus.
La Communication Profonde Accompagnée : Une approche transpersonnelle
L’accès à un vécu indicible par la parole consciente est facilité par l’état modifié de
conscience qui s’installe, autant chez l’accompagnateur que chez la personne
accompagnée, au cours d’une séance de Communication Profonde. En tant que
facilitatrice, je suis à la fois vigilante, capable de faire appel au discernement
nécessaire à tout accompagnement thérapeutique, et en même temps extrêmement
présente à l’instant dans un état de conscience semblable à celui que je peux
expérimenter en méditation. Je n’ai d’ailleurs aucun souvenir de ce qui s’est écrit. La
posture du thérapeute est garante de la qualité de la séance. C’est une posture
d’équilibriste qui rappelle la conscience que le funambule met en chacun de ses pas.
Lorsque je travaille, je suis connectée à mon cœur dans sa dimension sacrée ce qui
me met en lien avec la personne accompagnée, sur le plan de la conscience du
cœur. Je suis pleinement présente à l’instant, libre de toute anticipation.
Accès à l’aspect transpersonnel en chacun, à ce que Jung appelle le Soi
Actualiser ce potentiel de vie, tout en levant les obstacles qui empêchent son plein
épanouissement est l’un des principaux objectifs de la Communication Profonde
Accompagnée. L’Être se révèle au-delà des mots ou plutôt à travers les mots qui
émergent dans la plénitude de la symbolique appropriée à chacun. 5
Le processus lui-même, grâce au contact "de cœur à cœur" garanti par le soutien de
la main, met la personne accompagnée en lien avec son être essentiel. Ainsi, par la
médiation de l’accompagnant lui-même accordé à son essence, la CPA donne-t-elle
la parole au "partenaire silencieux" qui accueille sans juger. Au cours d’une séance,
les deux protagonistes sont affranchis des contraintes temporelles et la
transformation qui s’accomplit s’effectue au sein de ce silence intangible qui rythme
la respiration. Il s’agit de ce profond silence qui existe entre chacune de nos
pensées, entre chaque inspire et chaque expire et qui transcende le temps et
l’espace. Il s’agit d’être en quelque sorte branché sur la fréquence de l’Être. Alors la
personne dont je soutiens la main est automatiquement mise en relation avec sa
fréquence propre, au niveau de l’Essence. Comme si je permettais que la
personnalité soit accordée avec la note de l’Être et vibre en harmonie avec la
mélodie de l’âme.
Ainsi, je me perçois comme un simple médiateur qui permet que la note primordiale
de l’aspect transcendant en chacun soit accordée, avec celle de la personnalité.
Les personnes que j’accompagne témoignent parfois d’une expérience d’ordre
spirituel, ce que Jung appelle une expérience numineuse - de numen, sacré - vécue
au cours d’une séance de CPA. Le fait d’atteindre une réalité profonde qui le relie au
pouvoir de la vie dans sa forme essentielle est en soi source d’une grande
transformation pour celui qui vit cette expérience.
Mais avant de pouvoir exprimer notre essence, il nous faut enlever, ou plutôt intégrer
pour les transformer, les nombreuses peaux qui la voilent. Il nous faut regarder en
conscience nos attachements, nos conditionnements. Il nous faut panser nos
blessures d’enfant et d’adulte, et prendre en considération nos loyautés
inconscientes aux schémas familiaux. Enfin, peu à peu, nous osons nous défaire des
artifices pour exprimer l’unicité qui est nôtre, au-delà des masques et des
convenances.
La CPA est également utilisée au service des personnes privées de l’usage de la
parole. La vision du handicap est profondément bouleversée par cette approche.
Quelque soit le handicap qui limite ou empêche la communication verbale, une
conscience intacte se déploie sur un plan de réalité différent de celui du système
cognitif et sensoriel. Le soutien de la main ouvre l’accès à cette part intact de
l’individu. Indépendamment de l’état du cerveau de la personne accompagnée, le
facilitateur devient pour elle, le temps de la séance, un médiateur sensoriel et
cognitif. On pourrait dire qu’il prête à son partenaire ses propres outils de
communication le temps de la séance.
Une hypothèse qui éclaire le processus de la Communication Profonde
Accompagnée
D’un point de vue neurologique, la théorie du neurologue John Eccles, prix Nobel de
médecine, permet l’hypothèse suivante : Le cerveau du facilitateur pourrait agir
comme un décodeur de la conscience de la personne accompagnée. Dans le dernier
livre qu’il a écrit, qui a pour titre « Comment la conscience contrôle le cerveau »,
John Eccles évoque une possible explication de l’interaction conscience-cerveau par
l’intermédiaire d’un processus quantique affectant la libération de
neurotransmetteurs. Il pose le postulat suivant :
« There is interaction of two distincts entities, the spiritual self and the material 6
brain. » (Eccles 1995 p.173)
(Deux entités distinctes interagissent, le soi spirituel et le cerveau matériel)
Cela implique que chez toute personne, quelque soit son handicap, une conscience
intacte se déploie sur un autre plan de réalité que le système cognitif et sensoriel. En
se rendant disponible le facilitateur devient le récepteur de la conscience de son
partenaire de communication. La personne peut ainsi s’exprimer en utilisant le
cerveau de celui qui l’accompagne, ce qui va compenser les déficiences de son
propre système cognitif et sensoriel. Ainsi, par l’intermédiaire du soutien de la main,
le facilitateur met son propre lexique à la disposition de celui qu’il accompagne. Une
telle hypothèse est en harmonie avec mes propres expériences intérieures. Elle est
également confirmée par les enseignements de différentes traditions spirituelles et
par la psychologie transpersonnelle. Du point de vue de la religion chrétienne, par
exemple, l’âme est considérée comme une réalité intangible et immatérielle qui
correspond pourtant à l’essence de la personne. Dans le domaine des thérapies
transpersonnelles, l’état modifié de conscience exploré au cours d’une séance de
respiration holotropique – alors que l’intelligence intérieure guide le processus –
témoigne d’une réalité sous jacente qui inclut le soi transpersonnel, qui serait en fait
à l’origine de la conscience.
Dans le domaine de la physique quantique, le physicien Emmanuel Ransford émet
l’hypothèse d’une réalité psycho-matérielle :
La psychomatière ou holomatière, unifie la matière et l’esprit, ce qui permet
d’éclairer le mystère du cerveau conscient.
Elle tisse des liens invisibles qui transcendent l’espace et le temps ce qui crée
des réseau de solidarité
Ces réseaux portent et transmettent l’information de nature psychique appelée
« suprels » par E. Ransford
Il précise :
« La psychomatière, forte de son psychisme subtil, ouvre sur un monde
invisible et habité » (Ransford 2007, p.290)
Il semble que le facilitateur soit en connexion avec ces suprels au cours de la séance
de CPA
Jung a également mentionné dans ses conversations avec Richard Evans :
« The psyche is nothing different from the living being. It is the psychical
aspect of the living being. It is even the psychical aspect of matter. » (Evans 1964,
P.83)
(La psyché n’est pas différente de l’être vivant. Elle est l’aspect psychique du vivant.
Elle est même l’aspect psychique de la matière).
Le contenu des textes qui émergent avec les personnes privées de l’usage de la
parole vont très vite attirer mon attention sur une spécificité récurrente: ces êtres
ressentent ce qui se vit bien au delà de leur propre individualité. Ces personnes
semblent directement reliées à un champ de conscience transpersonnel. Ils sont en
contact intime avec ce qui se vit autour d’eux et bien au-delà. Une jeune femme en
situation d’autisme évoque son accès au champ transpersonnel. Elle écrit : 7
« Au fond, je jubile d’être celle qui sait ce qui se trame derrière les fils du
destin. Juxtapose les mots pour dire ma différence. Je sais les choses au delà
du temps et je trace un chemin pour délimiter hier et aujourd’hui. Sais-tu que
je vis hors du temps. Je suis une éponge qui adopte en ses creux et bosses
tous les détours liés entre eux par le fil du destin. Filer entre les lignes et voir
dans la neige se dessiner les traits des skieurs de fond. »
Une capacité à savoir ce qui arrive à leurs proches et à leurs amis, même si ceux-ci
vivent dans une ville éloignée de la leur ou dans une autre région, est également une
spécificité de ces personnes qui émerge au travers des textes écrits en CPA. Il y a
une contradiction immense entre la profondeur du ressenti et de la pensée exprimée
par le soutien de la main et le comportement dans la vie quotidienne et sociale de la
plupart des personnes privées de paroles. Par le soutien de la main, une œuvre naît
qui, mieux connue, pourrait leur donner une place dans le collectif social. La
possibilité de s’exprimer qui leur est donnée grâce à la CPA a un effet positif et
participe à la structure de la vie intérieure. Une adulte en situation de handicap écrit :
« Trouées de silence s’élargissent en clairière de mots » (Garcin-Fradet 2009,
p.89)
La CPA montre que derrière la personnalité en souffrance, le Soi est intact, quel que
soit le handicap.
Conclusion
Cette approche a de vastes implications en premier lieu pour les personnes privées
de l’usage de la parole, mais aussi pour les personnes dites valides. Cette approche
interroge et pose question. La Communication Profonde Accompagnée fut
développée sur les bases de la Communication Facilitée. La Communication
Facilitée permet l’expression des désirs et des besoins de la personne privée de
l’usage de la parole. La Communication Profonde Accompagnée ouvre un espace
différent. Avant d’être un outil de dialogue, la CPA permet l’expression d’une parole
singulière et authentique. Il ne s’agit pas tant d’un échange mais plutôt d’une
communication avec le Soi.
Bien que les besoins profonds d’une personne puissent également émerger en CPA,
on ne peut considérer ce qui émerge comme purement informatif. Même si des
validations importantes sont régulièrement observables dans les textes écrits en
Communication Profonde, ce qui émerge dans ce travail ne peut être considéré
comme une information. Un texte écrit en Communication Profonde Accompagnée
exprime un ressenti. Il n’a pas valeur de vérité historique ni de témoignage. Les
écrits sont l’expression d'un instant présent unique, celui de la séance.
Un autre risque serait que la personne accompagnée s’identifie aux mémoires qui
parfois émergent dans les textes. Ces mémoires ont un lien avec ce que vit la
personne au moment où elle vient consulter. Elles peuvent être considérées comme
un contenu symbolique dont la fonction transcendante participe à une transformation
au sein de la psyché. En situation de handicap il est parfois difficile de distinguer ce
que relève du conscient et ce qui relève de l’inconscient. Des contenus très
concrets, comme « j’ai soif » peuvent émerger alors que la personne vient juste
d’évoquer un vécu très profond, comme s’il n’y avait pas de limite entre le champ
personnel et le champ transpersonel. Cela nous interroge. Que savons nous
vraiment du vécu conscient de ces personnes ? Où est la limite entre communication 8
consciente et communication profonde? Se pourrait-il que les personnes privées de
l’usage de la parole vivent au quotidien dans une réalité transpersonnelle ?
La CPA ne prétend pas apporter une nouvelle théorie sur l’homme, ou sur la vie. Elle
ne peut pas non plus être considérée comme une simple technique. Elle est une
approche, un outil précieux dans la main de deux artisans de vie. La CPA est une
posture, un accueil, un compagnonnage. L’écoute est un aspect essentiel de la
Communication Profonde Accompagnée. Par cette écoute et à travers le texte qui
émerge la personne se relie à son être profond.Si cette approche pose question elle
donne aussi un formidable espoir qui participe au sens de la vie de chacun.
REFERENCES
• Crossley, R. (1994). Facilitated Communication Training. New York: Teachers
College Press. p.131.
• Dolto, F. (1977). Tout est langage. Paris: Pocket edition.
• Evans, R. I. (1964). Conversations with C.G.Jung and reactions from Ernest
Jones. New York: D. Van Nostrand Co. Ldt. p.83.
• Eccles, J.C. (1995). How the Self controls its brain. P.173. Berlin: Springer.
• Einstein, A., A selection of quotes, http://www.mountainman.com.au/albert_e.html.
• Garcin-Fradet, M. (2009). Quand la main devient messagère du cœur. Aubagne:
Quintessence, p.45, p.89, p.92.
• Hellinger B. http://www.familyconstellations.com.au/fc_explained.html.
• Ransford, E. (2007). La nouvelle physique de l’esprit. Agnières: Le temps présent.
p.290.
• Walter, P. F. (2010). Françoise Dolto and language, Book, Review, Quotes and
Comments. Newark: Sirius C Media Galaxy LLC. p.11.
• Weil, P. (1994). The Art of living in peace: towards a new peace consciousness.
Findhorn: Findhorn Press.